Épreuve pratique - Auto-écoles recherchent places d’examens désespérément !

01/05/2023 Formations/Examens
Formations/Examens Épreuve pratique - Auto-écoles recherchent places d’examens désespérément !

Du fait de l’insuffisance du nombre total de places d’examens, les écoles de conduite sont confrontées à des tensions et des litiges liés à des délais d’attente qui ne cessent de s’allonger. Le recrutement de 100 IPCSR et de 60 contractuels devrait détendre la situation à moyen terme.

Le 14 mars dernier, soixante-dix gérants d’écoles de conduite ont manifesté au volant de leur voiture à Créteil, devant la préfecture du Val-de-Marne. Objectif : dénoncer le manque de places d’examen au permis B. « Dans le Val-de-Marne, nous aurions besoin de 3 000 à 3 500 places par mois. En réalité, nous en avons entre 2 300 et 2 500 », affirme Christine Chauvet, gérante de l’auto-école Gil & Chris et présidente départementale de Mobilians-ESR pour le Val-de-Marne. Une situation qui devient ingérable pour les auto-écoles confrontées quotidiennement à des annulations de sessions d’examens. « En février 2023, nous en avons eu 576 et seulement 300 en janvier. Les élèves ne comprennent pas et nos plannings s’effondrent », poursuit la responsable. Car les candidats au permis B reportent les leçons de conduite. Pour expliquer cette situation, cette gérante d’école de conduite pointe les dysfonctionnements du BER et le taux élevé d’absentéisme chez les inspecteurs. « Dans le département, il y en a 27, mais seulement entre 10 et 12 sont sur le terrain pour faire passer toutes les catégories de permis. Par conséquent, les délais s’allongent. Pour représenter un candidat, il faut attendre en moyenne deux mois. » Conséquence : un manque à gagner qui peut atteindre 20 % du chiffre d’affaires. « Si la situation perdure, des auto-écoles vont fermer petit à petit car sans places d’examens, nous n’avons plus de travail et nous ne pouvons plus payer les salariés et les charges. »

Une action en justice pour les auto-écoles du Val-de-Marne ?
C’est pourquoi Christine Chauvet a saisi un avocat. « Je souhaite savoir si un collectif d’auto-écoles peut porter plainte auprès du tribunal administratif pour obstacle à l’exercice de la profession. » Pour l’instant, l’avocat ne s’est pas encore prononcé. À la suite de la manifestation du 14 mars 2023, une délégation a été reçue par le directeur de cabinet de la préfète du Val-de-Marne et des discussions ont été entamées avec le chef du BER. « Quelques cessions d’examens ont été ajoutées le samedi. On irait dans le bon sens », estime Christine Chauvet avec prudence. En Ille-et-Vilaine, la situation est également tendue. « Toutes les auto-écoles ont du retard dans le passage des examens car il nous manque globalement un tiers de places », note Thierry Théaud, gérant de l’école de conduite binaise, à Bain-de-Bretagne. « En avril, nous représentions les élèves qui ont échoué en janvier. Parfois, il faut attendre entre 4 et 6 mois pour représenter un candidat », déplore-t-il. Des situations qui donnent lieu à des litiges et créent des tensions. « C’est difficile de travailler sereinement dans ces conditions car les parents nous « tombent » dessus. ». Cet allongement des délais est inhérent au nombre insuffisant d’inspecteurs en exercice. « Si l’un d’entre eux est en arrêt pendant un jour, 13 candidats se retrouvent sur le carreau. S’il s’arrête une semaine, c’est 65 places en moins. Les Côtes-d’Armor et l’Ille-et-Vilaine sont réellement en souffrance », déplore-t-il. Lassée d’attendre une convocation, une partie des élèves se tournent vers les départements épargnés par le manque d’IPCSR. « Certains n’hésitent pas à prendre le train pour aller passer l’examen ailleurs. Des auto-écoles se sont d’ailleurs spécialisées pour faire passer des examens plus rapidement en province » affirme Thibault Droinet, vice-président de l’UNIC.

Un problème récurrent
En France, le manque de places d’examens est un problème récurrent. « Il existe depuis 40 ans, mais il s’est aggravé ces dernières années », constate Thibault Droinet. Notamment du fait des restrictions budgétaires de l’administration, mais aussi de la suppression du service militaire au cours duquel les appelés pouvaient passer les permis. « De plus, comme la durée de l’examen a été allongée, nous sommes passés de 20 candidats par jour à 12 », poursuit le vice-président de l’UNIC.
En France, le ministère de l’Intérieur compte 1 221 inspecteurs et 96 délégués au permis de conduire et à la sécurité routière. Selon l’UNIDEC, environ 30 % des départements français sont en forte tension avec des situations très disparates. Pour cette organisation professionnelle, la situation actuelle relève à la fois de causes structurelles et conjoncturelles. « Tant qu’il n’y aura pas suffisamment d’inspecteurs affectés aux examens, il y aura toujours des difficultés car ils effectuent d’autres tâches dans le cadre de leur fonction », rappelle Bruno Garancher, président de l’UNIDEC.

RdvPermis ne crée pas de places supplémentaires
Lequel pointe aussi du doigt RdvPermis. « Ce n’est pas avec cet outil que nous avons résolu la disponibilité des inspecteurs car le système gère l’offre mais pas la demande. » Même constat du côté de l’UNIC. Thibault Droinet estime que « ce n’est pas en changeant la méthode de distribution des places que l’on règle le manque de personnel. Et ce même si RdvPermis va dans le sens d’une meilleure équité de répartition ». Autre cause expliquant la situation actuelle : le fait que la DSR estime qu’il faut au moins 5 places par équivalent temps plein (ETP) dans les écoles de conduite. « Dès que ce nombre passe à 4 voire 3, le département est en alerte », constate Bruno Garancher. D’autant plus que RdvPermis ne restitue pas les places supprimées. « Quand il y a des annulations d’examen, il faut se connecter sur les nouvelles propositions car les précédentes ne sont pas reprogrammées », note Christine Chauvet. Thierry Théaud considère que ce système de réservation est anxiogène. « C’est la loi du plus fort en ce sens où c’est l’école de conduite qui clique le plus vite qui obtient des places. » Pour être sûr d’obtenir son quota dans les délais impartis, le gérant mobilise quatre enseignants pour effectuer cette tâche. « Les places partent très rapidement. S’il en reste qui n’ont pas été pourvues, il faut attendre 48 heures pour se reconnecter. »

Une mauvaise répartition des IPCSR sur le territoire
Selon Mobilians-ESR, le manque de places d’examens est surtout lié à un problème de maillage. « Des départements en ont trop alors que d’autres n’en ont pas assez », constate Patrice Bessone, président de l’organisation professionnelle. « Grâce à la remontée des données, RdvPermis permet une adéquation entre la production de places et le nombre d’élèves formés. S’il y a moins de 5 places par formateur, le numérique affectera des IPCSR dans les départements qui en ont besoin. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne manque pas d’inspecteurs ».

Priorité aux titres professionnels
Autre souci : les inspecteurs sont aujourd’hui prioritairement affectés au groupe lourd. « Ces examens monopolisent les IPCSR. Ce qui en fait moins pour les permis B », constate Christine Chauvet. Ainsi, la part d’examens prise par les permis C et surtout les titres professionnels ne cesse d’augmenter. En cause : les besoins de main-d’œuvre dans les secteurs du transport routier de marchandises et de voyageurs où 35 000 postes de conducteurs sont à pourvoir. « Les délégués des BER ont l’obligation de mettre à disposition des inspecteurs pour faire passer ces épreuves », note Bruno Garancher. Résultat : à certaines périodes de l’année (notamment au printemps), les centres de formation réclament à tour de bras des places pour le groupe lourd. « Ce qui se fait au détriment des permis B. Par conséquent tout le monde patine. » Cela devrait moins être le cas lorsque les 100 nouveaux inspecteurs recrutés à la demande du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, seront en exercice. « Une décision historique », se félicite Patrice Bessone. Le recours également à 60 agents de la fonction publique et à des contractuels de La Poste devrait apporter une bouffée d’oxygène et favoriser l’attribution de places supplémentaires pour la catégorie B. Cette dernière proposition figure dans une proposition de loi adoptée par les députés en première lecture, le 27 mars 2023. « Le recours à des contractuels de La Poste est possible depuis 2015 », rappelle le président de Mobilians-ESR. « Mais actuellement, la DSR ne peut faire appel à eux que lorsqu’il y a un délai d’attente de 45 jours. Cette mesure a été retirée dans la proposition de loi. Ce qui permettra au ministère de l’Intérieur d’avoir une plus grande flexibilité pour anticiper le manque d’inspecteurs. » C’est pourquoi, Patrice Bessone dit « avoir bon espoir que cette mesure et la data liée à RdvPermis vont contribuer à endiguer le manque de places d’examens ».

Solution à moyen terme
L’UNIC émet néanmoins quelques réserves quant à l’emploi de contractuels comme examinateurs. « Pourquoi pas ? », s’interroge Thibault Droinet. « Nous avons déjà des inspecteurs-postiers en Ile-de-France, mais seuls un sur deux connaît son métier car ils suivent une mini formation. Ils interviennent souvent trop vite ou sont approximatifs quand ils donnent les directions. » Plus globalement, l’UNIC a indiqué dans un communiqué de presse être favorable « à cette mesure d’urgence et ponctuelle ».
L’organisation professionnelle prévient que cette mesure « ne doit cependant pas ouvrir à une abondance d’examens qui amènerait une perte de qualité de l’enseignement de la conduite ». Ce qui se ferait au détriment de la sécurité routière. « Être inspecteur du permis de conduire est un métier qui ne s’improvise pas », indique Thibault Droinet. « Nous voulons que les examens soient pris en charge par des IPCSR formés et motivés. » Pour cela, il faudra que les écoles de conduite patientent encore un peu. « D’une part, car il va falloir trouver 60 contractuels et les former », rappelle Bruno Garancher. D’autre part, pour valider cette décision, la proposition de loi doit être examinée au Sénat. « Si le texte n’est pas adopté dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée, il devra passer en commission mixte paritaire avant de revenir à l’Assemblée nationale. Il faudra ensuite que l’administration se mettre en ordre de marche. Donc, à minima cette proposition de loi sera validée dans un an », estime le président de l’UNIDEC.

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