Quelle réglementation pour les véhicules mis à disposition des salariés ?

01/01/2020 Économie/Entreprise
Économie/Entreprise Quelle réglementation pour les véhicules mis à disposition des salariés ?

Le véhicule est l’outil de travail par excellence des auto-écoles et en particulier des enseignants. Ces salariés utilisent quotidiennement le véhicule de l’entreprise et parfois en dehors de leur temps de travail. Que prévoit la loi ?

Les modalités de gestion des véhicules des auto-écoles varient. Certaines optent pour l’acquisition des véhicules alors que d’autres préfèrent la location. Les auto-écoles des grandes villes ont par ailleurs à gérer la question du stationnement alors que celles de province doivent organiser la prise en charge de l’élève qui ne demeure pas à proximité de l’auto-école. Ces considérations font que les enseignants peuvent être amenés à conserver le véhicule de ­l’auto-école lors des périodes de fermeture de l’entreprise. Cette situation leur confère-t-elle un avantage ? Pas nécessairement ainsi que nous allons le voir.

Véhicule de fonction ou véhicule de service ?
En matière de véhicule utilisé dans le cadre de l’activité, on distingue classiquement le véhicule dit de fonction et le véhicule de service. Le premier est attribué personnellement à un salarié et est utilisé par ce dernier tant pour ses déplacements professionnels que personnels. Le véhicule de service n’est lui pas affecté à un collaborateur mais à un service, une activité et ne peut être utilisé que dans le cadre de déplacements professionnels. Normalement l’attribution d’un véhicule de fonction ressort de la lecture du contrat de travail et des bulletins de salaire. Une telle attribution est clairement mentionnée dans le contrat de travail. Une clause spécifie la marque, l’immatriculation du véhicule et le fait qu’il peut être utilisé à des fins personnelles. Par ailleurs, la mise à disposition d’un véhicule de fonction impacte la rémunération. Dans ce cas, le salarié perçoit en plus de son salaire de base un complément dit avantage en nature soumis à impôt et cotisations sociales. Et c’est parce qu’il constitue un élément de la rémunération que l’employeur ne peut pas retirer le véhicule de fonction sans l’accord du salarié. Rien de tel en revanche en matière de véhicule de service. L’utilisation d’un tel véhicule ne donne pas lieu à paiement d’un avantage en nature et peut être organisée, voire retirée à sa guise par l’employeur.

Quid des situations hybrides ou non formalisées ?
Ainsi pour connaître les modalités que l’employeur doit respecter en matière de gestion des véhicules de l’entreprise, il semble recommandé de se fier au contenu du contrat de travail et des bulletins de salaire. Est-ce à dire que dans le silence du contrat de travail et en l’absence de paiement d’un avantage en nature la situation relève obligatoirement du véhicule de service ? Pas obligatoirement car ­l’URSSAF et les juges ont le pouvoir de qualifier des situations non formalisées. Ces autorités peuvent ainsi décider que contrairement à ce qui est mis en place entre les parties, la situation correspond à l’attribution d’un véhicule de fonction et qu’en conséquence, un redressement de cotisations sociales est à envisager. Il peut être jugé en ce sens lorsqu’il apparaît que le salarié utilise en permanence le véhicule de l’entreprise c’est-à-dire pour le trajet domicile-travail mais aussi pendant les périodes de suspension de son contrat de travail (repos, absence maladie, maternité et congés).

Quelles pratiques pour les auto-écoles ?
En pratique, il apparaît que l’enseignant est souvent autorisé à utiliser le véhicule pour rentrer chez lui mais que pour autant son bulletin de salaire, son contrat de travail ne font état ni du paiement d’un avantage en nature ni de l’attribution d’un véhicule précisément identifié. L’usage du véhicule de l’auto-école par le salarié en dehors des heures de travail est donc rarement formalisé. Les auto-écoles font le choix de ces modalités simples par souci d’efficacité. En possession du véhicule, le moniteur soulage son employeur de la question du stationnement et est productif dès le début de sa journée puisqu’il peut se rendre directement au domicile de l’élève à former. Comme on l’a vu plus haut, ces arrangements non retranscrits dans un document écrit peuvent être interprétés par l’URSSAF ou les juges. Or, ces autorités semblent rarement retenir l’application du régime du véhicule de fonction. S’agissant d’un véhicule d’auto-école, il est souvent relevé qu’il n’est pas concevable qu’il puisse être laissé en permanence à la disposition d’un moniteur. En effet, en l’absence de l’enseignant, le véhicule a lieu d’être utilisé pour d’autres leçons. Ainsi l’exploitant est rarement tenu à un rappel de paiement de l’avantage en nature et des cotisations attachées. Cependant il peut être condamné à des dommages et intérêts à chaque fois qu’il remet brutalement en cause les modalités d’utilisation des véhicules par les moniteurs. Tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, l’employeur qui souhaite faire évoluer sa gestion des véhicules doit en informer le salarié et les représentants du personnel quand ils existent et respecter un délai de prévenance. Une chose est sûre, pour se protéger davantage, l’exploitant a intérêt à aller plus loin. L’idéal étant d’indiquer dans le contrat de travail ou une charte que le véhicule ne peut être utilisé qu’à des fins professionnelles, qu’il peut éventuellement être conservé pour le trajet domicile-travail mais qu’il doit être restitué pendant les périodes d’absences et de vacances.

Véronique Viot,
Avocate au barreau de Paris

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