Conjoint : choisir le bon statut !
Depuis quelques années, les conjoints d’artisans sont obligés d’opter pour un des trois statuts qui leur sont proposés. Un vrai progrès… qui doit inciter à se poser les bonnes questions !
Depuis le 2 août 2005 et la loi Dutreil, il est obligatoire, pour le conjoint d’un artisan, de choisir un statut juridique qui lui assure une protection sociale.
1 - Quelles sont les trois possibilités ?
L’épouse (ou plus rarement l’époux !) d’un artisan, dès lors qu’elle/il travaille dans l’entreprise, doit choisir un statut entre 3 différentes possibilités :
• Conjoint collaborateur : ce statut concerne les conjoints de chefs d’entreprises individuelles ou de SARL ou EURL comptant moins de 20 salariés. Attention ! le conjoint doit travailler sans percevoir de rémunération. Par exemple, une comptable de profession qui assurerait, en plus et gratuitement, la comptabilité de l’entreprise de son mari. Ayant droit du chef d’entreprise, le conjoint collaborateur bénéficie gratuitement de diverses prestations, ne cotisant que pour la retraite et l’invalidité-décès.
• Conjoint salarié : le conjoint est un salarié «comme un autre», avec contrat de travail, fiches de paie, versement d’un salaire correspondant à sa qualification. Ou bien, s’il exerce dans l’entreprise diverses activités ne correspondant pas à un classement dans la convention collective, une rémunération au moins égale au SMIC.
• Conjoint associé : ce statut, réservé aux salons en société, concerne le conjoint qui détient des parts dans l’entreprise et y travaille régulièrement, rémunéré ou non. Personnellement affilié au RSI (Régime social des indépendants), il a les mêmes obligations et perçoit les mêmes prestations qu’un chef d’entreprise. Cela dit, le conjoint associé peut également être salarié de l’entreprise. Dans ce cas, il dépend alors du régime général de la Sécurité sociale.
2 - Quelles sont les bonnes questions à se poser ?
Tout d’abord… il faut absolument choisir un statut ! Fabienne Munoz, vice-présidente de la FNC en charge des finances, est également présidente de la Chambre des métiers et de l’artisanat de l’Ardèche, et siège, en tant qu’élue UPA, à la CNAF (Caisse nationale d’allocations familiales) : «Je vois encore tant de femmes dans des situations dramatiques parce qu’elles n’avaient pas de statut et que le couple explose ! Et ce n’est pas parce que, selon les cas, elles peuvent être propriétaires en partie de l’entreprise, que cela change tout…» De plus, un(e) conjoint(e) qui ne se déclare pas risque de voir son(sa) époux(se) accusé(e) de travail dissimulé, avec toutes les sanctions liées : rappel de cotisations sur les dernières années, amende… Ce sont avant tout les finances de l’entreprise qui guideront le choix : «La situation doit impérativement être mise à plat avec le comptable, chaque cas étant particulier», poursuit Fabienne Munoz. «Pour moi, explique André Blandin, du cabinet ABM Consultants (Dinan), compte aussi la forme juridique de l’entreprise. En société, je préfère exclure le statut de conjoint collaborateur, car il y a plus de risques qu’en entreprise individuelle de requalification en travail salarié… avec, à la clé, rétablissement d’un salaire. J’ai déjà observé ces situations.» Tout dépend aussi du type de protection sociale souhaité, et du rôle que doit tenir le conjoint dans l’entreprise. S’il signe des chèques, participe au recrutement, prend des décisions touchant à la stratégie de l’entreprise, difficile de se limiter au simple statut de salarié. On peut, dans ce cas, choisir le statut de conjoint collaborateur, ou alors d’associé, si le salon est en société et que le conjoint détient des parts, statut cumulable avec celui de salarié. Sachant qu’aucun choix n’est irréversible !
3 - Quel est le statut le plus rentable ?
Le RSI ne s’en défend pas : il cherche à promouvoir le statut de conjoint collaborateur. «Le conjoint collaborateur a un réel mandat de gestion, vis-à-vis des employés, des fournisseurs notamment… Et c’est celui qui crée le moins de charges pour l’entreprise ! s’exclame-t-on du côté de la Direction de la réglementation et des affaires juridiques de l’organisme. Le conjoint collaborateur ne verse pas de cotisations d’assurance-maladie ni de maternité : il est, à ce niveau, “ayant droit” du chef d’entreprise… Les seules qu’il a à acquitter, selon un niveau à choisir parmi les cinq proposés, concernent la retraite de base et complémentaire, l’invalidité-décès, sachant qu’elles sont déductibles des charges de l’entreprise. Il peut être par ailleurs salarié, cumulant dans ce cas deux prestations retraite. Sous peu, il bénéficiera aussi d’indemnités journalières maladie.» «A court terme, le conjoint collaborateur est le statut le plus rentable, juge André Blandin. Reste qu’il n’y a pas que l’aspect financier. Le côté psychologique, le besoin de reconnaissance, le fait de travailler sans salaire… comptent aussi. Je préfère réserver ce statut à des situations particulières, telles que le cumul emploi-retraite.» «On comptait, en 2010, 583 conjoints collaborateurs dans la coiffure, souligne Fabienne Munoz. Je me demande combien d’hommes parmi eux… Peu, à mon avis, l’accepteraient.» Le statut de salarié présente un grand avantage : pouvoir prétendre à des indemnités chômage si jamais l’entreprise fait faillite. «Attention, avertit-on du côté du RSI, avant de verser les indemnités, Pôle Emploi peut vérifier qu’il existait un réel lien de subordination entre le chef d’entreprise et son conjoint, et que celui-ci n’a pas outrepassé son rôle de salarié, qu’il n’a pas, par exemple, signé un contrat avec un fournisseur, ou bien participé au recrutement…» «Dans un cas de divorce, j’ai déjà eu à affronter un contentieux avec Pôle Emploi, qui refusait de verser des indemnités chômage à une ex-conjointe salariée, confirme André Blandin. Nous avons gagné, car nous avons montré que c’était son mari qui prenait toutes les décisions.» Depuis, il anticipe en prévenant Pôle Emploi à chaque fois qu’il rencontre ce cas, en demandant à l’organisme de s’engager à verser les prestations chômage en cas de besoin. «Pour moi, le statut de salarié est le plus intéressant, le tout est de savoir si l’entreprise peut se le permettre. Dans les cas où ce choix entraîne des difficultés trop lourdes pour elle, ce n’est pas la peine», résume Fabienne Munoz. Et pour aller plus loin… des sites à consulter : www.rsi.fr, www.upa.fr et www.artisanat.fr.
Catherine Sajno
les 3 statuts en bref
Conjoint collaborateur
Conditions :
• Etre marié ou pacsé
• Exercer une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans être rémunéré
• Entreprise individuelle, SARL ou EURL de moins de 20 salariés
Régime social
• Affiliation au RSI
• Perception de prestations maladie et maternité gratuitement, en qualité d’ayant droit du chef d’entreprise
• Choix d’une formule de cotisations parmi 5 options pour les prestations d’assurance-vieillesse
Avantages
• Formule souple et peu coûteuse pour l’entreprise
• Possibilité pour la personne d’exercer une activité professionnelle en parallèle
Conjoint associé
Conditions :
• Etre marié, concubin ou pacsé
• Détenir des parts sociales de l’entreprise et y exercer une activité professionnelle régulière
• Entreprise de forme «société»
Régime social
• Affiliation personnelle au RSI, comme le chef d’entreprise, et donc droits et obligations identiques pour la couverture sociale
(cotisations et prestations maladie, retraite de base et complémentaire, etc.)
Avantages
• Possibilité d’être également salarié de l’entreprise (auquel cas, affiliation au régime général)
• Partage des bénéfices à hauteur de la participation
Conjoint salarié
Conditions :
• Etre marié, pacsé ou concubin
• Exercer une activité professionnelle régulière dans l’entreprise et être rémunéré
• Etre titulaire d’un contrat de travail
• Toute entreprise, de forme sociétaire ou individuelle
Régime social
• Régime général de la Sécurité sociale, avec cotisations en fonction du revenu perçu
Avantages
• Statut et droits identiques à celui de tout salarié : congés payés, prestations sociales…
«J’ai préféré le statut de salariée.»
Nathalie à Bordeaux
«J’ai longtemps été salariée, c’était pour moi le statut le plus avantageux. Cela coûte un peu plus cher en charges, c’est vrai, mais on s’y retrouve au moment de la retraite, en cas de maladie, ou bien si l’entreprise périclite et que l’on est au chômage… Et puis, même si de mon côté tout va bien avec mon mari, nul ne sait ce que la vie réserve ! Pour moi, le statut de conjoint collaborateur n’est intéressant que si on est salariée dans une autre entreprise. Mais c’est rare dans la coiffure ! En tout cas, je trouve bien que l’on nous oblige à choisir un statut. Ma mère a travaillé 60 heures par semaine dans l’entreprise de fruits et légumes familiale, quand je vois ce qui lui reste comme retraite… Peut-être que certaines femmes continuent à ne pas être déclarées. Mais je pense que cela arrive dans de toutes petites structures qui n’ont tout simplement pas le choix, vu le montant des charges, sans désir de frauder…» Le statut de salariée n’est plus qu’un souvenir pour Nathalie… et pour cause : «Mon mari a pris sa retraite en septembre, je suis devenue chef d’entreprise… et comme il souhaitait continuer à travailler un peu, c’est lui qui est maintenant mon salarié !»