Institut Montaigne : un nouveau rapport sur le permis qui ne convainc pas la profession

01/07/2022 Formations/Examens
Formations/Examens Institut Montaigne : un nouveau rapport sur le permis  qui ne convainc pas la profession

L’Institut Montaigne, un des plus importants groupes de réflexion en France, s’est penché sur le permis de conduire. Dans un rapport intitulé Du permis à l’emploi : roulez jeunesse, le think tank fait quatre propositions pour réduire les délais d’obtention d’une place d’examen pratique et réduire le coût global de la formation au permis B.

En guise de préambule, le rapport de l’Institut Montaigne souligne l’importance d’être titulaire du permis de conduire pour s’insérer dans la vie active. Selon un sondage réalisé par Harris Interactive pour l’Institut Montaigne, 86% des jeunes pensent qu’il est « un passage nécessaire à l’insertion sociale et économique », 79 % considèrent que le permis est indispensable pour partir en vacances, 75 % pour accéder aux services publics, 72 % pour avoir des activités de loisirs ou voir des amis et 85 % pour obtenir un premier emploi. Sur ce point de l’emploi, l’Institut Montaigne cite également la Cour des comptes qui estime que les freins à la mobilité expliqueraient entre 1 et 2,5 points de pourcentage de chômage. Ne serait-ce que sur le bassin lillois, 46 % des entreprises déclaraient en 2019, avoir manqué un recrutement pour des raisons de mobilité géographique.

Un manque de production de places d’examens
Si le permis de conduire est souvent indispensable pour travailler, l’Institut Montaigne constate que « le prix réel du permis de conduire apparaît trop élevé, ce qui exacerbe les injustices sociales. Le prix total réel diffère du prix nominal, car il inclut les heures supplémentaires de cours de conduite s’ajoutant aux heures du forfait – 35 heures en moyenne en pratique 12 contre 20 heures obligatoires pour la conduite accompagnée – en raison du délai d’attente élevé pour passer l’examen pratique. Le goulot d’étranglement auquel correspond le passage de l’examen pratique conduit à un prix élevé pour les élèves qui échouent et doivent reprendre des leçons de conduite, ainsi que pour les élèves qui se présentent la première fois, mais préfèrent maximiser le nombre d’heures de conduite pour éviter un éventuel échec ».
Partant de ce constat, le rapport de l’Institut Montaigne fait quatre propositions visant à rendre le permis plus accessible et à baisser le coût de la formation.

►Proposition n°1 : Élargir le vivier d’agents publics examinateurs à l’épreuve pratique, sous le contrôle des inspecteurs du permis de conduire, qui sont garants de la qualité de l’examen.
Après avoir exclu de réduire le temps de l’examen pratique, ainsi que l’idée d’un permis probatoire où l’essentiel de la formation serait réalisé par contrôle continu et l’examen ne serait rendu obligatoire qu’en cas d’infraction ou de difficultés, l’Institut Montaigne ne semble pas favorable à une privatisation de l’examen pratique. « La crainte de perte de la qualité de l’examen, voire de fraudes, prévaut dans le choix d’écarter l’idée d’une externalisation ».
En revanche, il considère qu’il faut augmenter le nombre de personnes affectées au passage de l’examen pratique. Conscient que l’État n’est pas prêt à embaucher plus de fonctionnaires pour augmenter le nombre d’inspecteurs du permis de conduire, le rapport propose d’élargir le vivier d’agents publics dédiés au passage de l’épreuve pratique (rappelons que ce rapport ne s’intéresse qu’au permis B). Outre les postiers, le rapport suggère de faire appel à des militaires, des gendarmes, des pompiers, etc.
« Sous la responsabilité des IPCSR, les examinateurs additionnels du permis de conduire pourraient composer une sorte de réserve qui serait mobilisée pour réduire les délais d’examen. Les IPCSR resteront les référents en dernier ressort lors des examens, avec la possibilité de contrôler la manière dont sont réalisés les examens effectués par les membres de la réserve. Ils auront également un surcroît de temps dégagé pour réaliser les autres missions qui leur sont dévolues. En contrepartie de cette revalorisation de leur rôle, une réflexion devrait être engagée pour allonger la durée de l’engagement des examinateurs aujourd’hui limitée à 3 ans et l’assortir d’une obligation de mobilité géographique au moins sur les premières années du contrat. »

►Proposition n°2 : Introduire une redevance lors du passage de l’épreuve pratique du permis de conduire en contrepartie de la réduction des délais de passage.
Pour inciter les agents administratifs à s’engager dans cette mission de passage de l’épreuve pratique et par ricochet réduire les délais d’obtention d’une place d’examen, l’Institut Montaigne estime qu’il faut proposer une rémunération plus attractive. Pour financer cette hausse de salaire, il propose de rendre l’épreuve pratique payante (50 euros).
« Les membres de la réserve devront pouvoir toucher, en plus de leur traitement ou indemnité perçu par ailleurs, une prime nette au moins supérieure à la moitié de la redevance payée par examen. Les inspecteurs percevront une redevance correspondant à une fraction de cette prime par examen au titre de leur nouveau rôle d’encadrant des examinateurs de réserve. Le reliquat de la redevance pourra être mobilisé pour financer la préparation au permis dans le cadre du service civique (proposition 4), au titre de la solidarité avec les jeunes qui s’engagent dans le service civique, ou des actions en lien avec la sécurité routière. »

►Proposition n°3 : Instaurer une plus grande liberté pédagogique entre les auto-écoles assortie d’une plus grande transparence sur les résultats.
Selon l’Institut Montaigne, « la pédagogie entourant l’épreuve de la conduite semble ne pas avoir beaucoup progressé ces dernières années et certains signes laissent même transparaître une forme de dégradation dans l’apprentissage, jugé plus lent, des élèves ». Pour faire face à cette critique, le rapport recommande d’intégrer le simulateur de conduire dans la pédagogie. « À cette fin, il serait souhaitable de reconduire les dispositifs de suramortissements pour les auto-écoles qui en font l’acquisition et d’encourager l’investissement dans les technologies permettant un meilleur apprentissage en autonomie au sein des auto-écoles – afin que les progrès récents de la réglementation soient suivis d’effet sur le terrain. Couplé avec la promotion du permis sur boîte automatique, il y a là matière à innovation pédagogique et à réduction des coûts de passage du permis de conduire pour les auto-écoles. »
Par ailleurs, l’Institut Montaigne estime que « pour favoriser une concurrence par la qualité entre auto-écoles, il est souhaitable de faciliter la comparaison sur les résultats » et préconise « la désintermédiation des inscriptions » qui « pourrait permettre la centralisation et la diffusion gratuite par l’administration de données anonymes sur le nombre de candidats présentés chaque mois par les auto-écoles, le nombre de primo-candidats et le nombre total d’admis à l’examen, notamment parmi les primo-candidats. Le nombre de candidats présentés et reçus au permis boîte automatique pourra être spécifiquement identifié et rendu visible par l’administration afin d’assurer la promotion de ce type d’examen. La diffusion en open data pourrait permettre le développement de comparateurs, sans que l’administration n’ait besoin d’en assurer la mise en place ».

►Proposition n°4 : En fonction des choix qui seront retenus par le prochain gouvernement concernant l’évolution du service civique ou un éventuel service national universel (SNU), la possibilité de passer le permis de conduire dans ce cadre devra être étudiée en lien avec sa prise en charge financière.
Pour cette proposition, l’Institut Montaigne reconnaît que « pour un tel dispositif, la maîtrise des finances publiques demeure un enjeu clé, car avec 132 000 services civiques par an, le financement de l’intégralité de la formation au permis de conduire pourrait coûter entre 15 et 200 millions d’euros au contribuable en fonction de l’extension du dispositif ». Un des modes de financement pourrait venir d’une « partie du bénéfice de la redevance permis », les fameux 50 euros à payer par le candidat se présentant à l’épreuve pratique (proposition n°2).

S. A.

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